Nouvelle revue d'esthétique, n° 32.

Bernard Teyssèdre

Bernard Teyssèdre est décédé le 29 décembre 2021 à l’âge de 91 ans. Son œuvre, construite depuis le moment où il explora l’Italie en vespa pour alimenter L’Esthétique des arts plastiques du Haut Moyen Âge italien, sa maîtrise sous la direction d’Étienne Souriau, est d’une ampleur et d’une variété telles qu’on a peine à s’en faire une idée un tant soit peu synthétique. Dès le commencement, dans les années 1949-1952, à L’École Normale supérieure, il ouvrit rapidement une pluralité de portes par lesquelles il ne cessera de passer : celle de l’histoire de l’art, celle de l’esthétique et celle aussi de la philosophie dont il préparait alors l’agrégation. Teyssèdre navigua entre ces pôles et, pour ainsi dire, les jouant l’un avec ou contre l’autre, rêvant d’une esthétique attentive aux œuvres, d’une histoire de l’art rompue à la pensée synthétique autant qu’à l’analyse des particularités (notamment de l’art contemporain) et d’une philosophie que l’art ne cesserait d’interroger profondément, au lieu d’en être un simple sujet de passage. 

Titulaire de deux thèses publiées, l’une sur Roger de Piles et le débat du coloris, l’autre, sur l’art au Grand Siècle, il fut aussi commentateur de l’esthétique de Hegel, co-traducteur et interprète de l’iconologie panofskyenne, de Wölfflin, un moment séduit par la littérature (pour la série de récits concentrés de Romans-éclairs, Grasset, 1961, puis un essai-roman hors genre Foi de fol, Gallimard, 1969), critique d’art au Nouvel Obs et Professeur à l’Université Paris 1- Sorbonne de 1969 jusqu’à sa retraite en 1992. Quant à l’étendue et la variété remarquables de son œuvre, on peut encore souligner sa fascination pour la vie « invisible » du précambrien autant que pour le diable ou les anges, pour L’Origine du monde de Courbet autant que pour le « foutoir zutique » de Rimbaud.

En outre, à l’Université Paris 1 Sorbonne, il joua un rôle institutionnel considérable : à partir des années 70, il fut l’un des principaux inspirateurs de l’installation d’un enseignement en arts plastiques fondé sur la pratique en interaction avec la théorie, à tous les étages de la formation, y compris la recherche. Il fut le premier à définir et à instaurer la sorte de thèse fondée sur une pratique artistique qu’on appelle aujourd’hui création-recherche (ou recherche-création).

Tout cela justifie que la Nouvelle Revue d’esthétique lui consacre un dossier, à la manière de ceux naguère dédiés à Étienne Souriau, et Gérard Genette. Comme pour ces derniers, il comportera une rubrique « Études » avec des articles de recherche inédits, relatifs aux divers sujets abordés dans les livres de Bernard Teyssèdre, ainsi que des rubriques de documents, notamment biographiques et bibliographiques, et de témoignages, relatifs par exemple à son rôle historique dans le cadre universitaire.